La science économique au service de la société

De l’importance de la géographie pour le développement durable

Lien court : https://bit.ly/31R4zqo

Eva Gossiaux (Master APE)

Le lien entre l’activité économique et la dégradation de l’environnement est un sujet incontournable de la recherche économique. Pourtant, la répartition géographique de l’exposition à la pollution et son évolution dans le temps sont relativement peu traitées. En effet, la littérature se concentre généralement sur la dynamique temporelle des systèmes écologiques et économiques. Cependant, la dimension spatiale est essentielle pour décrire de manière réaliste nombre de problèmes environnementaux, en particulier lorsque la pollution émane de lieux géographiques précis et est transportée à travers l’espace au gré des forces de la nature. Si faire abstraction de ces phénomènes permet de contourner des difficultés mathématiques certaines, négliger ces effets de déplacement peut fausser les projections de durabilité.

Dans ce mémoire de Master, Eva Gossiaux propose un cadre de référence flexible permettant d’étudier une économie spatiale dans une région bidimensionnelle, en associant des apports théoriques et numériques. Avec pour objet la pollution industrielle, le modèle vise à mettre en lumière le rôle de la géographie dans l’évolution spatio-temporelle de la production et de la santé. Point fort de ce travail, la modélisation détaillée du processus de circulation de la pollution à travers l’air, le sol ou l’eau élargit les approches existantes pour prendre en compte les propriétés du milieu étudié et permettre l’application du modèle à des contextes réels.

Dans un premier temps, l’auteure pose les conditions de l’existence et de l’unicité d’une trajectoire de développement durable pour l’économie modélisée. La production, la pollution et la santé se stabilisent à des niveaux positifs à long terme, spatialement hétérogènes mais échappant au déterminisme de leur point de départ. L’influence ambiguë des caractéristiques spatiales, comme la distance entre les zones résidentielles et industrielles ou la concentration de l’activité productive, est analysée par simulations. Les résultats sont ensuite traduits dans trois contextes géographiques réalistes. Par l’étude d’une structure « cœur-périphérie », l’auteure montre que le modèle peut représenter de façon satisfaisante la dynamique des inégalités spatiales. Appliqué ensuite à la région métropolitaine de Grenoble, le modèle met en lumière le rôle central de la topographie, en l’espèce, des hautes chaînes de montagne, sur la dispersion de la pollution. Enfin, l’auteure se penche sur un problème de pollution en amont en Inde. La discussion d’un projet de pipeline détournant les effluents industriels vers le fleuve démontre dans quelle mesure le modèle peut être utilisé pour étudier les politiques publiques.

Dans un deuxième temps, Gossiaux introduit le problème d’un décideur souhaitant répartir de manière optimale les revenus entre la consommation et la réduction de la pollution dans le but de maximiser le bien-être des individus. Dans ce cas de figure, il n’est pas possible de tabler sur une solution stationnaire et encore moins une réponse unique. En résolvant numériquement la politique optimale dans les mêmes études de cas, l’auteure constate que le décideur prend initialement des mesures environnementales fortes qui se concentrent principalement mais pas exclusivement dans les zones peuplées. Les dépenses publiques investies dans la lutte contre la pollution diminuent ensuite progressivement, jusqu’à ce que l’économie atteigne une situation stable, dans laquelle une part importante du revenu total de la production est continuellement affectée à la dépollution.

Dans l’ensemble, les économies très polluées investissent moins dans la réduction des émissions, en termes relatifs et absolus, en raison de la baisse des revenus de la production et des retombées positives marginales de la réduction de la pollution. Dans chaque région, les gains sanitaires associés à des politiques planifiées de manière optimale profitent toujours davantage à certaines zones qu’à d’autres, en fonction des niveaux locaux de pollution et de l’interdépendance géographique déterminée par la dynamique de transport de la pollution.

Ces exemples démontrent l’importance de la géographie pour la question du développement durable et suggèrent que des politiques spatialement différenciées sont essentielles pour atteindre les objectifs globaux en matière de protection de l’environnement.

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Références

Titre du mémoire de master : Geography matters : A model of production, pollution and health over Space and Time

Sous la direction de : Katheline Schubert (PSE, UP1) & Carmen Camacho (PSE, CNRS, UP1)

Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/MEM-PSE/dumas-03461129

Contact : eva.gossiaux chez psemail.eu - Profil LinkedIn

Crédit visuel : Jacob_09 - shutterstock