La science économique au service de la société

150 ans de mobilité de richesse entre générations en France

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Jérôme Bourdieu, Lionel Kesztenbaum, Gilles Postel-Vinay, Akiko Suwa-Eisenmann

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L’étude de la mobilité entre générations est un complément à l’analyse des inégalités : cette dernière fournit une idée de la distribution de revenu ou de richesse à un moment donné, tandis que la première permet d’apprécier la capacité de renouvellement d’une société en regardant comment les générations successives d’une famille se situent dans l’échelle des patrimoines. Peu d’études ont toutefois les moyens d’observer ce phénomène dans une durée suffisamment longue pour en faire apparaître les évolutions historiques.

Dans cet article, Jérôme Bourdieu, Lionel Kesztenbaum, Gilles Postel-Vinay et Akiko Suwa-Eisenmann étudient la mobilité des richesses entre générations. L’originalité de ce travail tient à la profondeur temporelle des données qu’ils ont construites : grâce à des reconstitutions généalogiques réalisées dans le cadre de l’enquête TRA (un échantillon au millième représentatif de la population française) ils ont pu mesurer pour chaque génération la richesse au décès d’environ 8000 pères et leurs enfants (garçon ou fille) décédés entre 1848 et 1960.
La mobilité des richesses entre générations change selon la position sociale. En ce sens, elle n’est pas un phénomène homogène sur toute la distribution de la richesse. Ainsi, la mobilité est moins forte aux deux extrêmes : chez les individus qui décèdent sans richesse et chez les très riches. Tout se passe comme si on ne pouvait pas facilement entrer dans le groupe des propriétaires ni quitter le groupe des grandes fortunes alors que, entre ces deux groupes, une plus grande mobilité prévaut qui contribue à transformer la structure des fortunes possédées comme celle de la société et de l’économie.
La mobilité des richesses varie au cours du temps. Au XIXe siècle, elle est relativement limitée et plutôt descendante – avec une augmentation régulière de la proportion d’enfants qui ne possèdent aucune fortune – traduction notamment de l’évolution des structures productives, de l’agriculture vers le salariat urbain, ce qui réduit le besoin et la possibilité de posséder de la terre. Après la première guerre mondiale, cette tendance tend à s’inverser avec en particulier une mobilité ascendante des plus pauvres et, à l’autre extrême, une mobilité descendante des plus riches dont les enfants ont plus de difficulté à maintenir leur niveau de fortune. Dans l’entre deux guerres, et de façon plus marquée après la seconde guerre mondiale, le développement du salariat ainsi que la diffusion des systèmes de protection sociale (retraite et santé) changent profondément les modalités de transmission des positions économiques et de constitution des richesses « ordinaires » en offrant à une partie de la population les possibilités de se prémunir contre la maladie ou la vieillesse.
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Titre original de l’article académique : « Intergenerational Wealth Mobility in France, 19th and 20th Century », Jérôme Bourdieu, Lionel Kesztenbaum, Gilles Postel-Vinay, Akiko Suwa-Eisenmann
Publié dans : Review of Income and Wealth. doi : 10.1111/roiw.12336
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