Histoire économique et environnement

Colloque

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Lieu 48 Boulevard Jourdan, 75014 Paris, France

Lieu R2-21

Présence Sur place

Horaires

Paris School of Economics a le plaisir de vous inviter à la journée organisée sur le thème "Histoire économique et environnement".

Programme

Environnement et logique économique (9:30-11:00)

  • Antonin Pottier (CIRED, EHESS), “Peut-on faire de l’histoire économique de l’environnement ? Quelques réflexions à partir de l’historicité de l’environnement et de l’économie”

Je m’intéresserai aux conditions de possibilité intellectuelles de l’existence d’un champ nommé l’”histoire économique de l’environnement”. Etant donné l’historicité de la catégorie d’environnement d’une part, et l’historicité de la catégorie d’économie d’autre part, je me demanderai comment une histoire économique de l’environnement est concevable et quelles peuvent en être les spécificités.”

L’histoire mondiale de l’énergie est cumulative. Il n’y a jamais eu de « transition » en dehors du charbon, ni même en dehors du bois. Energies et matières évoluent selon des dynamiques symbiotiques. L’industrialisation du XIXe siècle n’est pas une « transition » du bois au charbon : en 1900, le Royaume-Uni consomme plus de bois uniquement pour extraire du charbon (sous forme d’étais pour les mines) qu’elle n’en brûlait un siècle plus tôt. Au XXe siècle, la consommation du pétrole stimule la demande de charbon, ne serait-ce que pour fabriquer les voitures, l’acier, les routes, le ciment, les tubes pétroliers etc. Le pétrole augmente aussi la disponibilité et l’usage du bois énergie. En 2024, le bois produit deux fois plus d’énergie que le nucléaire. Depuis 1992 et que le monde se préoccupe officiellement du changement climatique les émissions de CO2 ont doublé et la part des fossiles dans l’énergie mondiale est restée à peu près stable. La transition énergétique projette un passé qui n’existe pas sur un futur qui reste fantomatique.

  • Eric Herbert (LIED, UPC), “Ressource, substitution, rétroaction. Le système économique est-il transi ?”

Une société organise et exploite des techniques qui dépendent pour leur fonctionnement de deux flux couplés, matière et énergie. La révolution industrielle se caractérise par la transition entre une énergie de flux non pilotable (l’énergie solaire) et une énergie de stock disponible à la demande (les énergies fossiles), qui permet une puissance pilotable. Avec la disponibilité d’une énergie de grande qualité (abondante, commode, dense) des usages nouveaux sont apparus, basés sur des techniques spécifiques mettant en oeuvre des puissances impossibles à atteindre jusque là, et de les exploiter à grande échelle. Ces techniques sont optimisées uniquement pour maximiser le volume de production, ce qui implique une croissance du flux d’énergie mais également du flux de matière. Dès lors se pose la question cruciale de la dépendance des usages à ces flux. Cette question fait l’objet de débats anciens dans différents champs académiques, qui se renouvellent au grés des contraintes sur la disponibilité de la matière et de l’énergie, sans jamais s’interrompre. Nous montrerons à travers l’exemple de la controverse Roegen / Daly vs Solow / Stiglitz dans le journal Ecological Economics dans la décennie 70 puis réalimentée dans les années 90 comment cette question vitale occupe le champ économique, à quoi matière et énergie sont comparées, et comment on pense leur remplacement.

Adaptations au changement climatique (11:30-13:00)

Depuis près d’un siècle, la mécanisation et l’industrialisation des systèmes agroalimentaires ont engendré de nombreuses transformations dans leur organisation, de même que leur transition énergétique d’un régime d’autonomie vers une dépendance à des sources de stock. La transition énergétique actuelle, qui vise à sortir de cette dépendance aux stocks pour revenir au flux renouvelable, questionne la pertinence des structures actuelles et, plus généralement, la dichotomie implicite profonde entre les puissances biologiques, utilisant le flux, et les mécaniques dominées par des stocks

Cet article explore l’impact de l’expérience à long terme des chocs climatiques historiques sur la capacité d’adaptation des ménages face aux sécheresses au Nigeria. Dans les années 1980, le Sahel et le Golfe de Guinée ont été frappés par des sécheresses sévères et de long terme, qui ont affecté les ménages ruraux, forcés de trouver des stratégies d’adaptation. Depuis les années 2000, les agriculteurs ont été confrontés à une incertitude concernant le calendrier et l’intensité de la saison de pluie, à des précipitations erratiques avec de fortes variations interannuelles. L’expérience des sécheresses passées (sécheresse prolongée des années 1980) peut-elle réduire la vulnérabilité des ménages face aux chocs récents (Sécheresses récentes en 2013 et 2015) ? Les effets à court terme d’une sécheresse sur la production agricole et les indicateurs de sécurité alimentaires se traduisent par une diminution des rendements de 14 % et une réduction de la diversité de la consommation alimentaire des ménages d’environ 1 %. Toutefois, pour les ménages ayant acquis leur première parcelle avant la période de sécheresse des années 1980, la réduction des rendements lors de la sécheresse de 2015 est seulement 3 % : l’expérience acquise compte et exprime une capacité d’adaptation au changement climatique.

Environnement : perspectives de long terme (14:00-15:30)

  • José Halloy (LIED, UPC), “Sept transitions énergétiques majeures dans la longue histoire de l’humanité”

Le concept de « transition énergétique » comporte deux problèmes : la notion de transition et celle d’énergie. La question des transitions est abordée en sciences naturelles sous un angle historique, comme le montre la distinction entre évolution graduelle et évolution ponctuée dans les sciences du vivant. En ce qui concerne le concept d’énergie (Joule, quantité), les physiciens ont semé la confusion en mettant l’accent sur une abstraction plutôt que sur les implications de puissance (Watt=Joule/seconde, flux) et de matérialité des systèmes vivants et technologiques. Il est possible de revisiter l’histoire longue de la planète Terre et des sociétés humaines en tenant compte du métabolisme des systèmes vivants et technologiques. On définit le métabolisme ici comme étant l’ensemble des processus physico-chimiques qui permettent au système de fonctionner. Cela clarifie la notion floue de « transition énergétique ».

  • Mathieu Arnoux (LIED, UPC, EHESS), “Transitions énergétiques et systèmes techniques : une approche de longue durée (XIIe-XIXe siècle)”

Le charbon se trouve le plus souvent au centre des récits relatifs à la transition qui a donné naissance à l’Anthropocène. Dans cette perspective, le potentiel énergétique lié au plus abondant des combustibles fossiles ouvre la voie vers la puissance illimitée. Nous savons cependant que le charbon a été extrait et usé en quantités considérables, particulièrement en Angleterre, depuis le XIVe siècle au moins. C’est son association avec la production du fer, à partir de 1709, qui donne le coup d’envoi de l’essor industriel. La communication portera sur le fer et sur sa place, durant près d’un millénaire, dans la recherche de l’efficacité énergétique. La diffusion progressive du fer dans la plupart des dispositifs techniques fait-elle apparaître un autre récit de l’émergence des systèmes sociotechniques non renouvelables ?  

  • Christophe Bonneuil (CRH, CNRS), “Penser des régimes de planétarité historiquement situés. Le cas des alertes et “solutions” environnementales planétaires de l’âge des empires, fin XIXe s.-début XXe s”

En lien avec la notion de « régimes d’historicité » de François Hartog, la notion de « régimes de planétarité » inspiré par Dipesh Chakrabarty propose d’écrire une histoire environnementale « en plein » (et non « en creux », par ce qu’il leur manquerait par rapport à aujourd’hui) des réflexivités environnementales planétaires dans différentes sociétés à différentes époques et des dynamiques culturelles, politiques et matérielles associées. Pour mettre cette notion au travail et examiner comment elle pourrait croiser l’histoire économique, la communication documentera comment, autour de 1900, les élites et communautés expertes impériales occidentales abordent diverses alertes environnementales de grande ampleur spatiale et/ou temporelle autour de 1900. Comment ils fabriquent du « planétaire » en agrégeant des chiffres et des cartes, en regardant Mars ou le passé géologique pour parler du présent. Si bien des alertes ‘planétaires’ sont présentes, on examinera enfin les ‘solutions’ mises en avant par ces communautés expertes, empreintes de colonialité et de solutionnisme technologique : l’invocation des générations futures (mais lesquelles ?), la plantation comme usage durable des terres tropicales, la pisciculture, l’acclimatation et la bio-prospection pour suppléer à l’extinction d’espèces et variétés, le droit supérieur de l’homme blanc à aménager la planète et dire son bon usage.

Environnement et politique économique (16:00-17:30)

  • Thomas Kekenbosch (CMH, EHESS), “Introduire l’environnement dans l’économie. Statistiques et comptabilité environnementale en France dans les années 1970”

Les voies par lesquelles l’environnement s’institutionnalise et s’installe comme problème public au cours des années 1970 sont multiples. En complément d’une médiatisation croissante, d’un agenda conservationniste global ou encore de l’organisation de luttes, l’environnement “technocratique” apparaît comme un cadrage dominant à l’époque comme dans la mémoire collective. La mise en statistiques, puis en comptabilité, de l’environnement est un leg méconnu de cette période. Cette intervention propose de suivre quinze ans de travaux menés par des statisticiens et économistes experts qui accompagnent la formation de l’environnement en tant que nouveau domaine de l’action publique, de la formation d’un nouveau périmètre ministériel jusqu’au seuil de la bascule vers le développement durable.

  • Lucie Rondeau du Noyer (CIRED), “”The Indian Fuel Problem” : un débat impossible dans l’Inde coloniale de l’entre-deux-guerres ?”

Au cours de la conférence fondatrice de l’Indian Economic Association, K. V. R. Aiyangar déclare le 1er janvier 1919 que les économistes universitaires sont les experts les mieux placés pour résoudre ce qu’il propose de nommer « le problème du combustible en Inde » (« The Indian Fuel Problem »). Héritier revendiqué de la pensée des Indian economics apparue dans les années 1870, ce professeur de l’Université de Madras cherche à persuader ses collègues que ce « problème du combustible » se pose en Inde coloniale de manière à la fois urgente et spécifique. À en croire Aiyangar, si l’État colonial ne prend pas des mesures rapides et drastiques, la croissance de la demande énergétique au sein des foyers indiens risque d’entrainer une pénurie de bois qu’aucune autre source d’énergie organique ou fossile ne sera en mesure de compenser. Les économistes présents en 1919 à la conférence de l’IEA n’ont pas su faire droit à cette conceptualisation originale et novatrice du « problème du combustible en Inde » proposé par Aiyangar. Il est important de comprendre pourquoi.

  • Nelo Magalhães (CRH, EHESS), “Le sable et la terre. L’État et la gestion des matières ordinaires du capitalisme français (XIXe-XXe)”

Cette intervention présentera quelques réflexions sur le métabolisme de l’économie française depuis deux siècles. En particulier nous considérons les deux plus importants flux de matières du territoire national : le sable et la terre. Nous analyserons et comparerons leur croissance, leur prise en charge par différents groupes sociaux (entrepreneurs, administrations, ingénieurs, etc.), les difficultés et régulations associées, et enfin les comptabilités statistiques qui les objectivent.

Organisateurs :

Cet évènement est organisé par le Centre d’histoire économique et sociale François Simiand, en collaboration avec le séminaire Économie politique du changement institutionnel (EPCI).

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